dimanche 24 mai 2009

Conseil municipal extraordinaire du 23 mai 2009 : le consensus inutile...

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Ce 23 mai 2009, la Mairie organise à l’espace Chevreul, à grand renfort d’invitations et d’affichage, un conseil municipal extraordinaire sur le thème (encore !) de l’extension de La Défense. Ce sujet, battu et rebattu depuis novembre 2008 de grande soirée en conseils de quartiers (voir lien en fin d’article), doit trouver ce matin-là une traduction politique avec la mise aux votes d’une résolution sur la question (pour lire le texte de la résolution, cliquer ici).

Manifestement, le sujet intéresse puisque, malgré le pont de l’Ascension, près de 120 personnes sont réunies dès 9h00 pour le début du conseil. Certes, ce sont toujours un peu les mêmes, mais c’est malgré tout significatif.

En préalable, le maire annonce la création d’un nouveau groupe : le groupe «Gauche démocrate», formé par Gilles DUFLOS et Jean-Baptiste MATRAY, deux élus d’opposition qui quittent le groupe «MoDem et apparentés» présidé par Pierre CREUZET.

Le conseil commence par un exposé du maire, Patrick JARRY, qui rappelle le contexte et affirme sa volonté de «donner la parole à tous les acteurs concernés». Un montage vidéo vient rappeler les efforts de communication déployés par la Mairie depuis Novembre dernier pour mobiliser les Nanterriens sur la question. Puis le «débat» commence.

L’avis des Nanterriens, justement, est prétendument reflété par un film de 32 mn montrant une quantité d’interviews de personnes vivant à Nanterre, Puteaux ou Courbevoie. Que penser de ce film ? Tout et rien. Il est réalisé de façon professionnelle, et fait intervenir des personnes variées dont les propos n’ont rien de particulièrement original. La société réalisatrice, CAMPANA-ELEB, est connue pour travailler avec un grand nombre de municipalités communistes de la région parisienne. Il est vraisemblable que les interviews ont été choisies, montées et organisées pour servir un message précis, mais on ne peut pas dire pour autant qu’il y ait eu trucage ou distorsion de la vérité. C’est un honnête travail de com’ fait pour le compte d’un client, en l’occurrence la mairie de Nanterre. Mais on aurait tort de prendre cela pour parole d’évangile. M. ELEB intervient d’ailleurs, préalablement à la projection, pour nous indiquer d’avance ce qu’il faut retenir de son œuvre : les habitants souhaitent qu’on améliore les transports, qu’on facilite l’emploi des jeunes, que l’on conserve une certaine mixité sociale et que le développement de La Défense se fasse en concertation avec eux. Rien de bien surprenant, comme on voit. La Mairie aurait pu économiser les 60 000 € qui nous a coûté ce court-métrage…

C’est ensuite le premier des trois invités qui prend la parole : M. Philippe PANERAI, architecte-urbaniste ayant participé au comité scientifique de consultation sur le Grand Paris. M. PANERAI souligne la situation paradoxale de Nanterre, très bien desservie mais par des transports fatigués et saturés ; proche d’une source de richesse mais n’en profitant pas beaucoup. Il résume cela par la formule : «Une croissance sans développement». Deux chiffres illustrent cet état de fait : il y a près de 100 000 emplois à Nanterre, mais seulement 9 500 Nanterriens y travaillent. La volonté de donner «un second souffle» à La Défense est une opportunité pour la ville, la question étant de savoir si cela se fera avec ou contre Nanterre… Pour améliorer notre ville, M. PANERAI propose sept axes de travail :
- valoriser le centre ancien ;
- prolonger l’axe «moderne» des Terrasses de la Seine à la Seine ;
- repenser l’avenue Joliot-Curie de façon moins «routière» en la rendant plus agréable aux piétons et en l’animant davantage ;
- mailler les différents quartiers entre eux et mieux intégrer l’université dans la ville ;
- établir un plan général des trottoirs qui les ouvrirait à tous les usagers ;
- exploiter les espaces en attente par des activités provisoires (commerces, spectacles…) ;
- penser le développement de Nanterre en coopération avec les villes voisines.

Après cet exposé, le maire donne la parole aux représentants de sept associations ayant participé à la commission extra-municipale d’aménagement : l’ACRI-Liberté (résidents de l’immeuble Liberté, quartier du Parc-nord), «Unis vers Cité» (quartier de l’Université), «Naturellement Nanterre» (association écologiste), «Mieux vivre au Petit-Nanterre», GAP (Groupe d’actions et de propositions), ADIRG (habitants du quartier des Groues) et ABERPA (habitants du secteur Berthelot/Pascal). Pour la petite histoire, certaines de ces associations sont notoirement proches de la municipalité, tandis que l’association «Mieux vivre à Nanterre» (proche du MoDem et du PRG) n’a pas été admise dans la commission extra-municipale…
Les représentants de ces associations disent à peu près tous la même chose : ils expriment leur inquiétude devant le gigantisme des projets évoqués par le rapport Lelarge, déplorent l’abandon de la couverture de l’échangeur A14-A86 ou l’absence du tramway T1, et réaffirment leur volonté d’un développement à taille humaine réalisé dans la concertation et non comme «fait du Prince».

C’est ensuite au tour de Mme MADEUF, présidente de l’Université Paris Ouest-Nanterre. Elle souligne que l’université de Nanterre, agée de 40 ans, est connue et reconnue. Elle évoque certaines villes universitaires (Oxford, Bologne…) et en définit les caractéristiques communes : des villes dont l’université est un symbole fort, irriguées par le savoir (librairies, activités culturelles mais aussi restauration et vie nocturne…), libres et turbulentes. Mme MADEUF poursuit son exposé en posant la question : Nanterre est-elle une ville universitaire ? Elle a la gentillesse de ne pas y répondre… Elle conclut en rappelant la présence de 32 000 étudiants, ce qui est (dit-elle) relativement peu, et en appelant les Nanterriens à profiter davantage de cette université et de ce qu’elle peut offrir. Enfin, comme gage de sa propre volonté d’ouverture, elle rappelle sa coopération avec la Mairie pour promouvoir le projet «Cité des Musées».

Vient enfin l’intervention tant attendue de M. CHAIX, directeur général de l’EPAD-EPASA. Celui-ci, devant une salle pas forcément très ouverte à ses propos, se tire brillamment de l’exercice. Il commence par affirmer sa volonté de concertation avec l’ensemble des communes concernées. Puis il rappelle le succès de La Défense, devenue en trente ans l’un des tous premiers quartiers d’affaires européens. Il reconnaît que Nanterre a parfois pu souffrir de ce voisinage, mais souligne que l’Etat a eu à cœur de réparer les éventuels dégâts en investissant dans la ville, sur les dix dernières années, l’équivalent d’un milliard d’Euros.
M. CHAIX fait ensuite un rapide bilan de l’action de l’EPASA, bilan positif et, selon lui, bien en ligne avec les objectifs fixés en termes de quantité de logements, de mixité sociale ou de cadre de vie. Concernant les Groues, il affirme que la réflexion sera menée en concertation avec les acteurs concernés et avec les habitants. Il dénonce la vision systématiquement négative, le côté «village assiégé», la rhétorique de la victimisation et la simplification outrancière. «Personne, affirme-t-il, ne veut repiquer des tours à Nanterre comme on repique des poireaux dans un jardin ouvrier !». Concernant la concertation, envisagée par la mairie, entre Nanterre et les communes avoisinantes, il approuve la démarche et demande avec une certaine malice pourquoi ça n’a pas été fait plus tôt.
Il poursuit en évoquant la prochaine rénovation de 12 tours à La Défense, et l’éventualité de reconvertir certaines d’entre elles en logements ou en «mixte» (logements, commerces et bureaux). Il conclut en réaffirmant sa volonté de travailler en coopération avec les maires des six communes concernées, ainsi qu’en organisant un «véritable forum» des associations d’habitants. Enfin, il souligne son souci de mettre la question du logement «au cœur du projet» et sa détermination à faire aboutir «les projets routiers qui vous tiennent à cœur».

A l’issue de cet exposé, le Maire donne la parole aux divers groupes d’élus afin qu’ils expriment leur position sur la résolution proposée. Le texte de cette résolution (quatre pages) avait été distribué au public à l’entrée de la salle. Pour l'obtenir, cliquer ici.

Gilles DUFLOS prend la parole pour le tout nouveau groupe «Gauche démocrate». Il commence par souligner certaines contre-vérités dans le texte de la résolution (en particulier, les passages concernant la prétendue «démocratie participative»), puis il détaille la vision qu’a le groupe du développement de Nanterre : nécessaire ralentissement de la construction de bureaux, logements s’adressant à toutes les catégories de population, souci accru du cadre de vie, aménagement pensé en concertation avec les communes avoisinantes. Il conclut en indiquant que son groupe votera la résolution, car son contenu est suffisamment général et consensuel pour que chacun s’y reconnaisse, mais que c’est dans la mise en œuvre pratique qu’on mesurera la sincérité des rédacteurs.

M. CASSOU (MRC) intervient ensuite. Il se dit d’accord pour la concertation avec l’EPAD-EPASA concernant les Groues. Sur l’intercommunalité, il en admet le principe mais souligne que certaines des communes concernées ont une approche politique différente, notamment en matière de logement social. Il suggère donc de commencer par un travail en commun sur quelques dossiers-tests, afin de voir si une collaboration accrue est envisageable.

M. PERREAU-BEZOUILLE (CIC) dénonce à travers la fusion EPAD-EPASA une démarche axée vers le profit qui exclurait à terme les populations non-rentables. Nanterre, souligne-t-il, a su conserver ses populations ouvrières et populaires, au contraire de Puteaux ou de Courbevoie, et c’est là son apport à l’ensemble parisien. La Défense, quartier froid et déshumanisé, est le résultat de la gestion de l’EPAD. Les Terrasses de l’Arche, splendide exemple d’harmonie architecturale et de réussite urbanistique, est le résultat de la gestion de l’EPASA, où élus et technocrates siègent à égalité. C’est donc ce second mode de fonctionnement qu’il faut privilégier…

M. MARCHAL (PS) affirme l’opposition de son groupe à la fusion EPAD-EPASA, qui s’explique essentiellement par l’état financier catastrophique du premier. Il réaffirme l’exigence du groupe socialiste de voir respecter le SDRIF (Schéma directeur d’Ile-de-France élaboré par le conseil régional) et sa volonté de voir la ville développer elle-même une intercommunalité cohérente et non imposée. Enfin, il demande que l’Etat respecte ses engagements financiers en matière d’infrastructure et réclame davantage de concertation.

Marie-Laure MEYER (PS) intervient ensuite pour dénoncer les «mauvaises pratiques» de l’Etat en matière d’aménagement de l’Ile-de-France, avec un déséquilibre bureaux/logements entre l’ouest et l’est parisiens. Elle déplore l’autoritarisme de ce même Etat et le fait que le projet EPAD ne soit pas cohérent avec le SDRIF.

Bruno CHANUT (PS) en rajoute sur le même thème, en soulignant que l’Etat n’a pas tenu ses engagements concernant la couverture de l’échangeur A14-A86 et la création du tramway T1.

Mme FRAYSSE (CIC) réaffirme la qualité du travail réalisé par l’EPASA, ce qui confirme que la ville et l’Etat peuvent travailler ensemble. Pourquoi alors, demande-t-elle, fusionner EPASA et EPAD ? C’est incohérent. Au lieu de casser l’EPASA, l’Etat ferait mieux de tenir ses engagements financiers.

M. VIGNAU (CIC) dénonce les retards pris par l’EPAD sur certains projets comme «Cœur de quartier», qui souffre de problèmes financiers.

Pierre CREUZET (MoDem) dénonce le fait que la résolution proposée a été rédigée sans concertation avec les élus d’opposition, et l’absence dans cette résolution d’un véritable projet global. Pour ces raisons, son groupe s’abstiendra. Il propose ensuite de revoir la vocation des Terrasses en les ouvrant davantage sur l’université et en en faisant un lieu de vie intégrant des commerces aux enseignes prestigieuses, dans le prolongement de La Défense. Il propose également que le quartier du Parc soit intégré dans l’opération d’intérêt national gérée par l’EPAD-EPASA. Enfin, il évoque la possibilité de monter sur les terrains libres des Groues une exposition universelle autour du thème de la ville.

Gilles GAUCHE-CAZALIS (CIC) rappelle que l’Etat s’est engagé depuis neuf ans à couvrir l’échangeur A14-A86 et que ce n’est toujours pas fait. Cela bloque certains projets de rénovation et d’aménagement, comme celui concernant le quartier Hoche.

Julien SAGE (Verts) sort un peu du cadre en remettant carrément en cause la nécessité de voir La Défense s’agrandir. Il souligne la faible demande de bureaux depuis la crise financière (cf. les mécomptes de la tour Signal), et dénonce la prétendue obsolescence de tours vieilles de trente ans à peine lorsqu’aux Etats-Unis des buildings de soixante ans et plus sont rénovés sans difficultés. Il dénonce ensuite la logique d’intensification qui prétend mettre au même endroit tous les bureaux d’Ile-de-France et faire de Nanterre une ville exclusivement fondée sur l’économie tertiaire, avec les vulnérabilités que cela implique. Il conclut en appelant de ses vœux un aménagement urbain davantage axé sur le développement durable et sur le souci du cadre de vie.

M. LEFRET (UMP) estime que, depuis la publication du rapport Lelarge «neuf mois ont été perdus» puisque le fond de la résolution proposée consiste à dire… qu’il faut continuer les débats. Neuf mois et, ajoute-t-il, environ 300 K€ dépensés pour les diverses opérations de communication autour de ce sujet. Pendant ce temps, on a parlé ni de l’augmentation de l’insécurité à Nanterre, ni de celle du chômage des Nanterriens, ni des résultats scolaires de la ville… et c’était peut-être là l’un des objectifs poursuivis par la Mairie en organisant cette «mobilisation» contre l’EPAD-EPASA. Réfutant l’idée de «menaces», M. LEFRET souligne les opportunités qu’apporte à Nanterre la proximité de La Défense en termes d’emplois et de manne fiscale, et appelle à un partenariat entre la ville et l’EPAD plutôt qu’une confrontation stérile.

François de LAJARTE (MoDem) dénonce le fait que la résolution n’a été remise au public qu’à leur arrivée dans la salle et que les spectateurs n’ont donc pas eu le temps de se faire vraiment une opinion sur le texte proposé aux votes du conseil. Il dénonce également le fait que les élus d’opposition n’ont pas été associés à la rédaction de ce texte ; et que les attentes et les intérêts des communes avoisinantes n’y sont pas évoquées.

Mme HUSSON (UMP) dénonce l’inutilité et le coût de la campagne de communication orchestrée par la Mairie sur cette affaire. Elle rappelle les avantages du développement de La Défense pour Nanterre et souligne le fait que la municipalité veut éviter l’installation sur la ville d’une population de cadres qui voteraient contre la majorité actuelle.

Sophie DONZEL (PS) dénonce le modèle «obsolète» de développement que représente La Défense. Elle dénonce les faibles retombées économiques (emplois, commerces...) de La Défense pour Nanterre et affirme que la taxe professionnelle, d'ailleurs menacée, ne suffit pas à les compenser. Enfin, elle appelle à une intercommunalité avec Rueil et Suresnes pour constituer un front uni contre les volontés de l'EPAD-EPASA et de l'Etat.

Mme GAREL (CIC) affirme la volonté de la Mairie de pouvoir accueillir à Nanterre des habitants de toutes origines sociales, en promouvant une politique volontariste de logement social, contrairement à d’autres villes du département.

M. TAYEB (PS) réaffirme son opposition à la fusion EPAD-EPASA et souligne l’importance pour Nanterre de développer une intercommunalité avec Rueil et Suresnes.

M. JARRY conclut le «débat» par une intervention de vingt minutes, où il commence par se féliciter du travail accompli, avant de laisser entendre que, du fait de la crise, les 6 000 logements promis dans son programme ne seront peut-être pas au rendez-vous. Il en appelle ensuite à la participation financière de l’Etat et lui demande le respect de ses engagements. Enfin, il annonce la création «d’ateliers de réflexion» sur le devenir de l’ouest parisien, et invite les Nanterriens à y participer pour apporter idées et propositions. Puis on passe au vote.

La résolution est approuvée à l’unanimité moins les huit abstentions des groupes MoDem et UMP. Un second point, administratif, est ensuite proposé aux votes et adopté à l’unanimité. Puis la matinée s’achève par un buffet. Il est 13h45.


A l’issue de ces presque cinq heures de réunion, j’ai l’impression d’avoir assisté à un cérémonial convenu, où chacun a tenu son rôle avec plus ou moins de talent et de pertinence. Si les interventions des uns et des autres ont surtout permis aux divers groupes de faire parler leurs «vedettes», il était clair dès le début que le résultat serait relativement consensuel, tant la résolution proposée est creuse et générale. Qui pourrait être contre le développement de l’emploi et du logement, contre l’augmentation du nombre de logements, contre l’enfouissement des bretelles B5 et B6 ou contre l’amélioration du cadre de vie dans nos quartiers ? C’est d’ailleurs ce que Gilles DUFLOS avait dit d’entrée de jeu. Consensus, donc, mais consensus inutile car ne démontrant rien ni ne construisant rien.

J’ai néanmoins été frappé par le double discours de M. JARRY dans son intervention finale. D’un côté, il affirme sa défiance vis à vis de l’Etat et sa volonté de mobiliser contre les actions de l'EPAD-EPASA les ressources dont il pourra disposer ; mais de l’autre il explique que la crise fragilise le projet Seine-Arche géré par l’EPASA et en appelle ouvertement aux finances de l’Etat pour remédier à cet état de fait. Certes, l’Etat n’a manifestement pas tenu ses engagements et il est légitime pour le Maire d’exiger qu’il le fasse, mais ce discours à la fois revendicatif et hostile m’a fait penser à celui de ces ados qui exige leur indépendance tout en réclamant leur argent de poche…

Sans oublier le moment comique de la fin : l’annonce par M. JARRY de la création des «Ateliers citoyens de l’ouest parisien», un n-ième gadget pseudo-participatif pour lequel il fait appel aux bonnes volontés nanterriennes ! Etant donné la façon dont sont traités les résultats des ateliers précédents, je serais surpris qu’il trouve grand monde pour aller perdre son temps dans un nouveau simulacre de démocratie participative.


Ch. Romain


Sur la soirée du 24 novembre 2008 : http://www.mieuxvivreananterre.fr/?p=178
Sur la démocratie participative : voir l’article ci-dessous.

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