mardi 14 avril 2009

Quand Nanterre célèbre... un démissionnaire du PCF !


Début Avril, la ville de Nanterre et son maire, M. Jarry, ont inauguré à Nanterre un boulevard Aimé Césaire. Si on ne peut que se réjouir de voir ainsi mis à l'honneur le chantre de la "négritude" et le militant anticolonialiste, il est tout de même assez amusant de penser que Césaire se trouve ainsi célébré (faudrait-il dire "récupéré" ?) par l'une des dernières municipalités communistes de notre pays. Car les rapports entre Aimé Césaire et le PCF furent assez houleux, et s'achevèrent dans une rupture aussi nette que définitive.

Né en Martinique en 1913, Aimé Césaire fit de belles études littéraires qui le menèrent au poste de professeur à Fort-de-France. Parallèlement à son activité de poète, il entreprit une carrière politique sous l'étiquette du Parti Communiste Français (PCF). C'est en tant que membre du PCF qu'il fut élu maire de Fort-de-France en 1945, puis conseiller général de Martinique, membre de l'assemblée constituante de la IVe république et enfin député de Martinique. C'est comme membre du PCF qu'il travailla à la départementalisation de la Martinique.

En 1956, deux événements ébranlèrent (ou plutôt, n'ébranlèrent pas) le PCF : l'intervention soviétique en Hongrie et la révélation du rapport fait par Khrouchtchev au XXe congrès du PCUS sur la réalité du régime stalinien. A la suite de ces événements, Aimé Césaire démissionna du PCF. Il le fit par une lettre demeurée célèbre, adressée à Maurice Thorez (secrétaire général et figure emblèmatique du PCF) et dont voici quelques extraits éclairants :
"Les révélations de Khrouchtchev sur Staline sont telles qu’elles ont plongé, ou du moins, je l’espère, tous ceux qui ont, à quelque degré que ce soit, participé à l’action communiste dans un abîme de stupeur, de douleur et de honte. Oui, ces morts, ces torturés, ces suppliciés, ni les réhabilitations posthumes, ni les funérailles nationales, ni les discours officiels ne prévaudront contre eux. Ils ne sont pas de ceux dont on conjure le spectre par quelque phrase mécanique. Désormais leur visage apparaît en filigrane dans la pâte même du système, comme l’obsession de notre échec et de notre humiliation.(...)
Dans de nombreux pays d’Europe, et au nom du Socialisme, des bureaucraties coupées du peuple, des bureaucraties usurpatrices et dont il est maintenant prouvé qu’il n’y a rien à attendre, ont réussi la piteuse merveille de transformer en cauchemar ce que l’humanité a pendant longtemps caressé comme un rêve : le Socialisme. Quant au Parti Communiste Français, on n’a pas pu ne pas être frappé par sa répugnance à s’engager dans les voies de la déstalinisation ; sa mauvaise volonté à condamner Staline et les méthodes qui l’ont conduit au crime ; son inaltérable satisfaction de soi ; son refus de renoncer pour sa part et en ce qui le concerne aux méthodes antidémocratiques chères à Staline ; bref par tout cela qui nous autorise à parler d’un stalinisme français qui a la vie plus dure que Staline lui-même et qui, on peut le conjecturer, aurait produit en France les mêmes catastrophiques effets qu’en Russie, si le hasard avait permis qu’en France il s’installât au pouvoir. (...)
Au lendemain du rapport Khrouchtchev nous avons tressailli d’espérance. On attendait du Parti Communiste Français une autocritique probe ; une désolidarisation d’avec le crime qui le disculpât ; pas un reniement, mais un nouveau et solennel départ ; quelque chose comme le Parti Communiste fondé une seconde fois… Au lieu qu’au Havre, nous n’avons vu qu’entêtement dans l’erreur ; persévérance dans le mensonge ; absurde prétention de ne s’être jamais trompé ; bref chez des pontifes plus que jamais pontifiant, une incapacité sénile à se déprendre de soi même pour se hausser au niveau de l’événement et toutes les ruses puériles d’un orgueil sacerdotal aux abois."

Soyons juste : à l'heure où j'écris cet article, le PCF a fini par admettre la déstalinisation depuis déjà un certain temps... Mais tout de même, voir M. Jarry, maire et conseiller général communiste, faire l'éloge d'Aimé Césaire, cela vous avait un petit je-ne-sais-quoi de réjouissant.

Ch. Romain

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2 commentaires:

Unknown a dit…

La lettre complète d'Aimé Césaire sur un site complet : www.can92.fr
Allez les bofs on s'accroche!

jacquot

Démocratie nanterrienne a dit…

Y aurait-il de l'eau dans le gaz entre le CAN et le PCF ? On vous croyait pourtant réconciliés depuis les dernières Présidentielles, lorsque Mme Fraysse et M. Jarry ont appelé à voter pour José Bové plutôt que pour Marie-Georges ?

Allez, camarade, on s'accroche pour suivre la ligne !